Pendant l'entre-deux guerres, le maintien de l'ordre et de la tranquillité intérieurs était explicitement, à côté de la défense nationale, l'une des tâches essentielles de l'armée suisse. Face à l'incapacité évidente des forces de police à protéger un lieu public ou à maîtriser une foule agitée, les autorités, rendues craintives par l'expérience de la Grève générale de 1918, firent fréquemment appel à la troupe à cet effet. La question est de savoir quel usage on fit de cette arme explosive et quelles furent les conséquences de cet usage.

Des épisodes comme le drame genevois de 1932 ont fait l'objet de nombreux écrits ; les mesures généralement prises par les autorités sont relativement bien connues. Mais bien des questions restent ouvertes. Peut-on dégager une véritable politique de maintien de l'ordre intérieur au moyen de l'armée, définie par les autorités civiles ? Comment ce maintien fut-il assuré pendant la Seconde Guerre mondiale ? Le champ chronologique de cette étude couvre plus de trois décennies. La position des principaux acteurs exécutifs, le Conseil fédéral, les cantons et l'armée, leurs intérêts communs et leurs divergences, les fondements juridiques de leur conceptions sont analysés, de même que l'évolution de la nature de l'engagement des militaires dans la rue. Les révisions traduisent les leçons tirées des opérations et révèlent les préoccupations des politiciens et des spécialistes du service d'ordre.

Les problèmes posés par la sécurité intérieure - celui du partage des compétences entre les autorités responsables ou celui de la professionnalisation des forces de l'ordre - sont d'une très grande actualité. En éclairant le volet historique du sujet, ce travail, partant de l'hypothèse que l'environnement n'a pas fondamentalement changé depuis la période concernée, voudrait permettre une meilleure compréhension de la nature de ces problèmes.